Île d'Anticosti

Localisation et description

Située dans le golfe Saint-Laurent au Québec, l'île d'Anticosti s'étend sur une longueur de 220 km et une largeur maximale de 56 km, et couvre une superficie de 7 943 km2. La topographie est peu accidentée et l'altitude moyenne n'atteint que 126 m. L'île est formée de roches calcaires datant du Silurien et de l'Ordovicien. Des dépôts marins postglaciaires recouvrent la partie basse et côtière alors que le centre est surtout couvert de dépôts d'altérites ainsi que de quelques dépôts morainiques. Les dépôts organiques sont également fréquents sur l'île, principalement dans la partie est, où ils dominent le territoire.

Son climat maritime sub-boréal se caractérise par des étés frais et des hivers relativement doux. La température moyenne est d'environ -10 °C en janvier et 15 °C en juillet. Les précipitations de neige sont abondantes, dépassant généralement 300 cm dans la partie ouest et centrale. 

Végétation 

La forêt de l'île appartient à la section Anticosti de la région boréale et au domaine de la sapinière à bouleau blanc de l'Est du cadre bioclimatique québécois. Les peuplements les plus communs sont ceux dominés par l'épinette blanche (Picea glauca), le sapin baumier (Abies balsamea) et l'épinette noire (P. mariana). Le bouleau à papier (Betula papyrifera), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), le peuplier baumier (P. balsamifera) et le mélèze laricin (Larix laricina) sont présents de façon sporadique. Dans la partie est de l'île, la forêt est entrecoupée de vastes tourbières. La strate arbustive est pratiquement absente partout à cause du broutement du cerf de Virginie. Dans le passé, les principales perturbations naturelles ont été les épidémies d'insectes, le feu et le chablis. Au cours des dernières décennies, la superficie en sapinières a grandement diminué sous l'effet combiné du broutement des semis par le cerf de Virginie et des épidémies de l'arpenteuse de la pruche (Lambdina fiscellaria) et de la tordeuse des bourgeons de l'épinette (Choristoneura fumiferana).

Plus récemment, des chablis ont touché de vastes superficies de vieilles sapinières. L'épinette blanche, présente en tant qu'espèce compagne dans ces peuplements, y constitue habituellement la totalité de la régénération. Cette essence est cependant aussi affectée par un insecte, le dendroctone de l'épinette (Dendroctonus rufipennis). 

Enfin, avec la Minganie, Anticosti constitue un site riche en plantes rares telles que des espèces ou des variétés endémiques au Golfe Saint-Laurent, des plantes arctiques-alpines à la limite de leur aire de répartition et des espèces cordillériennes caractéristiques des Rocheuses.



Faune

À l'arrivée des européens, la faune de l'île ne comptait que sept espèces de mammifères, soit l'ours noir (Ursus americanus), la loutre (Lutra canadensis), le renard roux (Vulpes vulpes), la martre d'Amérique (Martes americana), la souris sylvestre (Peromyscus maniculatus) et deux espèces de chauve-souris (Myotis lucifugus et M. septentrionalis). Les principaux mammifères introduits avec succès sont le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus), le lièvre d'Amérique (Lepus americanus), le castor (Castor canadensis) et le rat musqué (Ondatra zibethicus). L'île compte également une faible population d'orignaux (Alces alces),.  Aujourd'hui, l'espèce la plus abondante est, de très loin, le cerf de Virginie. La martre est disparue au début des années 1900. L'ours noir n'a pas été observé sur l'île  depuis 1998 et est considéré aujourd'hui comme disparu

La faune aviaire de l'île est assez diversifiée et elle se compare à celle du continent. Les oiseaux marins sont particulièrement bien représentés et, fait remarquable, l'île abrite une des plus importantes populations de pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) du nord-est de l'Amérique du Nord. La gélinotte huppée (Bonasa umbellus) et le tétras du Canada (Falcipennis canadensis) ont été introduits et sont maintenant bien implantés. 

Il n'y a aucune espèce de batracien ou de reptile indigène sur Anticosti. Aujourd'hui, à la suite d'introductions, il existe trois espèces de grenouilles, soit la grenouille verte (Rana clamitans), la grenouille du Nord (R. septentrionalis) et la grenouille léopard (R. pipiens).



Un peu d'histoire

L'île d'Anticosti est demeurée sauvage et pratiquement inhabitée jusqu'en 1895, lorsque Henri Menier, un riche homme d'affaire français, en est devenu le propriétaire. Menier est sans contredit le personnage qui a le plus influencé la destinée de l'île d'Anticosti. En effet, son objectif initial était d'en faire un paradis de chasse et de pêche. C'est pourquoi il a tenté d'y introduire plusieurs espèces de gibier dont le cerf de Virginie, la seule espèce ayant connue une expansion remarquable. Menier a introduit quelque 220 cerfs en 1896 et 1897. Parmi les introductions qui n'ont pas eu de suite, mentionnons celle du bison (Bison bison), du wapiti (Cervus elaphus) et du caribou (Rangifer tarandus). En guise d'héritage, ce personnage pittoresque a laissé son nom au seul village d'Anticosti, Port-Menier, situé à l'ouest de l'île. 

Au cours du 20e siècle, l'île d'Anticosti est passée entre les mains de diverses compagnies forestières, mais elle a appartenu principalement à la Consolidated Bathurst. En 1974, le gouvernement du Québec s'est porté acquéreur de l'île. 

Photo : Henri Menier

Cadre territorial

Le seul village, Port-Menier, est situé à l'extrémité ouest de l'île. Bien que sa population puisse doubler en automne avec la chasse sportive, environ 218 personnes y vivent à l'année (selon le recensement de 2016). Les principales activités économiques sont associées au tourisme et à l'exploitation des ressources naturelles : la chasse au cerf, la coupe forestière et la pêche sportive au saumon.

Trois pourvoiries à droits exclusifs de chasse et de pêche occupent la majorité du territoire de l'île (7263 km2). On y retrouve également un parc de conservation, le parc national d'Anticosti (572 km2) créé en 2001, ainsi que deux réserves écologiques, soit celles de la Pointe-Heath (19 km2) et du Grand-Lac-Salé (24 km2).

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Chasse au cerf

L'île d'Anticosti est avant tout reconnue pour la qualité exceptionnelle de la chasse au cerf. Cette activité a été confiée à la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) et à des pourvoyeurs privés qui accueillent environ des millliers de chasseurs annuellement (environ 4000 chasseurs en 2015). La récolte de cerfs sur l'île dépasse maintenant 5000 têtes par année (5853 cerfs abattus en 2015). La qualité de l'accueil et les conditions de chasse exceptionnelles que l'on retrouve sur l'île lui ont forgé une réputation de paradis de chasse qui va bien au-delà des frontières du Québec.  

Exploitation forestière

Quatre périodes d'exploitation forestière intensive se sont succédées sur ce territoire. Dans les bûchés de 1908-1918 (1 800 000 m3) et ceux de 1926-1930 (1 300 000 m3), des peuplements denses d'épinette blanche ont remplacé les sapinières d'origine (Potvin 1992). Toutefois, dans les coupes de 1946-1971 (145 000 m3 à 360 000 m3 annuellement), la régénération a été plus irrégulière et dépendante des conditions locales. 

Ce n'est qu'en 1995 que les opérations sylvicoles ont redémarré avec la venue de Produits forestiers Anticosti inc. (PFA). Dans le cadre d'un projet expérimental visant à développer des techniques sylvicoles permettant de régénérer le sapin, la principale nourriture hivernale des cerfs, l'entreprise a procédé à la récolte d'environ 100 000 m3  annuellement en 1995 et 1996. En décembre 1996, un immense chablis est survenu. Dans les deux années qui ont suivi, un programme de récupération a permis de récupérer 432 700 m3  de bois en perdition. En 1999 et 2000, une récolte annuelle de 150 000 m3  a été réalisée dans des peuplements d'épinettes blanches et noires. Simultanément, une technique d'aménagement de l'habitat du cerf de Virginie a été développée et depuis 2001, celle-ci est mise en œuvre dans tous les territoires de coupe. La technique consiste essentiellement à créer une mosaïque d'habitats utilisés pour le couvert et la nourriture dans des blocs clôturés pour une période de 12-15 ans et de réduire localement la densité de cerfs. Une estimation de la possibilité forestière sur l'île a permis alors  d'augmenter le taux de récolte jusqu'à 175 000 m3  par année.

Dans le cadre de la convention d'aménagement forestier (CAF) qui était détenue par PFA jusqu'à sa fermeture en 2013, l'entreprise s'était notamment engagée à poursuivre un programme de recherche scientifique visant à trouver des stratégies sylvicoles permettant d'harmoniser l'exploitation forestière à l'aménagement intégré des ressources du milieu forestier. On lui avait également confié l'élaboration d'un plan général d'aménagement des ressources du milieu forestier en collaboration avec le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs et en concertation avec les intervenants du milieu. Ce plan, terminé en 2004, a permis d'établir la possibilité annuelle de récolte en tenant compte de l'évolution de la forêt en tant que source de matière ligneuse et d'habitat du cerf de Virginie présent en fortes densités sur l'île.

Aucune activité forestière ne s'est déroulée à l'île d'Anticosti en 2013 et la coupe a repris en 2014 avec la compagnie Gestion Solifor.

Barge de bois à l'île d'Anticosti (© Baptiste Brault)